menandryChalet Sur le Rocpar Julien BONVIN

" Vers le ciel comme un oiseau. C'est notre petit chalet, là-haut.

Il est là-haut, non loin de l'agreste village de Veysonnaz un coquet chalet délicieusement perché sur le roc de Menandry, où l'heureux propriétaire vient chaque année avec sa famille passer la saison estivale dans la tranquillité, la paix d'une nature si sincèrement berceuse et romantique, et jouir d'un panorama des plus magnifiques et des plus étendus que l'on puisse rêver dans le beau Valais.

Ce coin idyllique ne fut pas de tout temps l'asile de calme tel qu'il est aujourd'hui. Des possesseurs bien plus belliqueux l'ont habité.

A l'époque médiévale, il fut acquis par l'évêque de Sion : Landry du Mont (de là le nom de mayen Landry, par abréviation Menandry). Le prélat y plaça un métral. Ce dernier entretenait avec le concours des veysonnards dévoués à l'évêque des patrouilles et des sentinelles au nord et à l'ouest de Veysonnaz, sur les hauteurs dominant le château de Brignon, poste avancé des ducs de Savoie et aux dires de la tradition, bien des échauffourées se produisirent. Menandry reçut souvent la désagréable visite de ses voisins de Brignon, ennemis jurés.

 

Le dernier métral qui habita sur le roc de Menandry fut un nommé Teilher, qui, disent les personnes âgées de Veysonnaz, serait mort là, après avoir enfoui une chaudière de 50 pots, bondée d'or et d'argent. Nombreuses gens avides de fortune ou d'aventure firent maintes prospections infructueuses et aujourd'hui le trésor est du domaine de la légende.

A la mort de Teihler, devenu propriétaire de la ferme et de l'habitation, ses héritiers la vendirent par parcelles aux habitants de Veysonnaz, la maison fut démolie, les ruines comblées puis, durant 150 ans, ce coin ne connut pas d'histoire.

En 1844 et suivant, lors des guerres du Sonderbund, un détachement de la Jeune Suisse était à piller Veysonnaz; à l'annonce du camp des Haut-Valaisans à Veysonnaz les pillards ne se firent pas prier pour déguerpir.

En 1908 un parisien: Mr Harispe de Lahanne charmé par ce site ravissant, l'acquit et fit construire le chalet actuel, par l'entrepreneur Joseph Darioly des Agettes, pour le prix de 9800 frs. Il le revendit 4 ans plus tard à Mr Albert Ribordy notaire à Sion.

En 1916 la propriété fut rachetée par l'abbé Rey, alors curé de Veysonnaz, qui en 1919 remit le chalet ainsi qu'un enclos d'une dizaine de mètres de diamètre, aux mains de Mr Ernest Jayet, directeur du 2ème arrondissement des douanes à Lausanne. Le domaine environnant fut cédé à Mr Samuel Heusi lors du départ de Mr Rey de Veysonnaz (1922).

Mr Jacques Plestcher, propriétaire depuis 1926 prend goût à embellir son bijou, trouvant son terrain trop restreint, il l'augmente d'une bande au Sud et à l'Ouest. Su la 1ère parcelle additionnée, Mr Plestcher chargea les frères Bonvin de Veysonnaz d'accomplir certains travaux destinés à étendre la terrasse de son chalet. En déblayant les terres, ils mirent à jour une cachette souterraine de ces dimensions : 2 m 20 sur 1m50 et 1m80 de profondeur, construite en maçonnerie. Une voûte en pierre formait le toit; on la trouva à 3/4 pleine d'alluvions.

Devant cette trouvaille, les frères Bonvin avisèrent immédiatement par téléphone leur patron. Mais entre temps la renommée aux cents bouches avait colporté la nouvelle à Veysonnaz. La certitude de voir le fameux trésor de Menandry découvert et la jalousie de quelques compatriotes les fit partir à Sion avec diligence prévenir l'ancien propriétaire, Mr Heusi. Celui-ci donnant dans le panneau et prétendant avoir droit à cette fortune avertit l'Etat du Valais qui dépêcha sur les lieux son chef du département de l'Instruction publique et l'archéologue cantonal. Le Tribunal de Sion et la gendarmerie étaient aussi avisés pour une perquisition éventuelle chez les frères Bonvin. A la visite des lieux le moins émotionné n'était pas celui qui avait mis en branle toute la magistrature. En face de imagerésultats si peu attendus, il s'en retourna penaud et comme les journaux se sont emparés de l'histoire, elle finit en vaudeville, au détriment de ceux qui l'avait provoquée.

Disons d'après le fabuliste: à Menandry d'argent point de caché mais "Sur le Roc" restera toujours l'asile de paix et de tranquillité et les amants de la nature jetteront sur ce joyau serti dans la verdure un regard de convoitise."