bisse2 Historique tiré des archives cantonalestexte de Geneviève MARIETHOZ et de Bernard TRUFFER

 

En 1476, une année après la fameuse bataille de la Planta qui réunit le Valais jusqu'à St-Maurice sous la houlette de l'évêque de Sion, l'acte précédent est complété par une convention passée cette fois entre les communes de Vex et des Agettes et les villages de Veysonnaz et Clèbes stipulant le mode de passage du bisse de Vex dans l'aqueduc de Veysonnaz. La teneur essentielle de cet accord réside dans le fait que toutes les précautions sont prises pour assurer l'arrivée d'eau nécessaire à l'irrigation des propriétés sises sur les territoires des communes concernées. Ainsi sont réglementés tous les cas litigieux pouvant se présenter, tels que le paiement des frais lors de dégâts, le gardiennage du bisse qui incombe entièrement aux gens de Vex, les réparations et les travaux d'entretien. Les tâches sont clairement définies et distribuées en différentes parts à chacun des contractants. Ces dispositions n'ont-elles jamais été contestées ? L'absence totale de documents pourrait le laisser supposer. Il est toutefois probable que le règlement du grand bisse ait subi des adaptations à intervalles plus ou moins réguliers. Nous ne connaissons, hélas, que le dernier règlement, celui qui était encore en vigueur lors de l'abandon du bisse.

Ce règlement date de 1929 et a fait l'objet d'une homologation par le Conseil d'Etat. En quarante-cinq articles, l'utilisation du bisse est planifiée en spécifiant, premièrement, que le droit de passage du bisse de Vex sur les communes de Nendaz et Veysonnaz découle des actes de 1453 et 1476. Deuxième point im­portant : les droits au bisse sont représentés par des actions, équivalant chacune à une heure de droit de fonds. Ces actions sont divisées en six cents heures de droit de fonds et ces fonds eux-mêmes en deux grands tours : le tour de gauche du côté des Agettes et le tour de droite du côté de Vex. Autre élément saillant : pour être consort du bisse, il faut posséder au moins un quart de droit de fonds. Ces droits ou actions peuvent se vendre ou se louer et le consortage possède un droit de préemption sur les fonds des consorts. La société s'organise en deux grands blocs : l'assemblée des propriétaires en qui réside le pouvoir de décision du consortage et le comité composé de trois membres : le procureur du bisse, le directeur des travaux, le secrétaire caissier, comité qui a à sa charge la direction administrative et fi­nancière de la société, gère et surveille le déroulement des travaux et réparations diverses, rédige les projets de règlements ou modifications des statuts, et finalement représente le consortage vis-à-vis de tiers dans des affaires importantes.
Dans un deuxième temps, ce règlement détaille tous les problèmes auxquels le consortage peut se trouver confronté dans ce domaine vital qu'est l'irrigation : le processus d'obtention de l'eau, de bonification, le mode d'utilisation de l'eau. L'organisation des travaux du bisse est également statufiée ainsi que tout l'aspect financier, la gestion des comptes et les tâches du garde, personnage ô combien précieux à la survie du bisse.

 
Mis à part le règlement abordé ci-dessus et pour toute la suite du 20ème siècle, le seul document permettant de visualiser l'his­toire du grand bisse de Vex est le protocole des séances du consortage. Il dévoile que, les années avançant, les séances sont de moins en moins suivies. Cette baisse de fréquentation peut être in­terprétée comme un recul général de l'agriculture en tant que source principale de revenus, recul qui se répercute sur l'utili­sation des bisses d'irrigation. L'eau d'arrosage n'est plus au­tant demandée, conséquemment les heures de charge diminuent. Mais parallèlement à la baisse d'un intérêt purement agricole, se pro­file la volonté de maintien du bisse, volonté découlant d'un intérêt que l'on peut qualifier de touristique. Effectivement, en 1931 déjà, le consortage doit répondre à une demande de la Société de développement des Mayens-de-Sion qui aimerait voir le bisse chargé au moins jusqu'au 20 septembre de chaque année. Accord est donné par le consortage "à titre de bien plaire". Cette situation va durer jusqu'en 1971, date à laquelle les consorts décident d'arrêter l'exploitation du bisse. Cependant pour ne pas laisser prescrire leurs droits, les membres de l'assemblée invitent le comité à se mettre en contact avec les communes de Vex et des Agettes pour la reprise à leur compte des droits du consortage sur les eaux de la Printze avec transfert de droits d'exploitation à la sortie du tunnel de Thyon, seule solution rationnelle qui permettrait la continuité de l'aqueduc. Aucune décision ne sem­ble n'avoir été prise à ce moment. Mais en 1990, les droits d'eau possédés par le consortage sont cédés aux communes des Agettes et de Salins.
Voilà, brièvement parcouru l'historique du grand bisse de Vex, avec, nous le répétons, une lacune au niveau des sources qui laisse cinq siècles dans l'ombre. Mais si son histoire reste à compléter, le grand bisse de Vex, plusieurs fois centenaire, ap­partient par essence au paysage rural valaisan, il témoigne d'une culture agraire, d'une façon de travailler et finalement d'un mo­de de vie ancestral à jamais disparu. Indépendamment de l'attrait touristique qu'elle déclencherait, une remise en eau permettrait aux générations futures d'appréhender concrètement la volonté de mise en valeur des terres dont leurs ancêtres ont fait preuve et jouerait dans ce sens un rôle de référence historique indéniable.

En Valais, le rôle vital joué de tout temps par les bisses d'irrigation dans le domaine agricole n'est plus à démontrer, leur grand nombre et leur ancienneté en témoignent. Ainsi, au 15ème siècle déjà, débute l'histoire du grand bisse de Vex. Histoire qui reste malheureusement incomplète étant donné l'absence presque totale de sources entre le 15ème et le 20ème siècle. En effet, indépendamment des actes de 1453 et 1476 dont les originaux se trouvent respectivement dans les archives de la commune de Nendaz (AC Nendaz Pg 23) et dans celles de Vex (AC Vex Pg 29 bis), les documents utilisés sont du 20ème siècle. Le manque de sources primaires d'archives entre 1476 et le 20ème siècle n'implique bien sûr pas la non utilisation du bisse. Nous le trouvons souvent cité comme limite de propriété dans les actes notariés. Et lors de ventes de biens, les droits d'eau y sont soigneusement indiqués. Il est permis de croire que les procureurs de l'ancien consortage du bisse disposaient d'autres documents et nous espé­rons qu'on les retrouvera et qu'on nous les transmettra, afin de pouvoir, un jour, compléter et achever l'historique de ce vénérable aqueduc.